Aborder le texte poétique

Modifié par Delphinelivet

L'objet d'étude « Poésie » possède des spécificités qu'il peut être utile de connaître et de prendre en compte dans la rédaction du commentaire.

Précisons d'emblée que les repères qui suivent :

  • ne sont pas à appliquer comme une grille d'analyse mais peuvent être mobilisés éventuellement ;
  • sont donnés à ce stade du manuel mais peuvent être utiles à n’importe quel moment du travail d’analyse d'un texte.


Voici quelques questions que vous pouvez vous poser afin d'appréhender votre commentaire d'un texte poétique :

1. Quels sont vos ressentis de lectrice et de lecteur ?

C'est d'abord et avant tout votre lecture personnelle que doit révéler le commentaire.

2. Quels sont les thèmes principaux ?

  • A-t-on des descriptions ? Des notations suggestives ? Des images ?
  • Trouve-t-on un usage particulier des couleurs ? Des sens ?
    Par exemple : dans le poème « Le Mal » d'Arthur Rimbaud :
    « Tandis que les crachats rouges de la mitraille
    Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
    Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
    Croulent les bataillons en masse dans le feu »
    La métaphore des « crachats rouges » (v. 1) témoigne de la laideur de la guerre car elle évoque les balles qui tuent les soldats, mais aussi le sang versé, les bombardements, les explosions, l’adjectif « rouge » renvoyant autant au sang qu'aux flammes.
    Le mot « crachat » montre quant à lui le désir du poète de provoquer du dégoût vis-à-vis de la guerre car la connotation péjorative du mot « crachat » exprime le mépris que l’on éprouve pour ces massacres et peut-être aussi le mépris éprouvé par le souverain pour les soldats qu'il envoie à la mort.
  • Quel registre domine ? S'agit-il de poésie lyrique, sociale ou politique ?
    Par exemple : dans « Le Pain » de Francis Ponge, l'absence de « je » et la présence très discrète du poète à travers le pronom « nous » et l’impératif « brisons » créent une impression d’objectivité et de refus du lyrisme :
    « [...] Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable...
    Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation. »
  • Les mots sont-ils polysémiques ? Quels sont les réseaux sémantiques ?

3. Quelle est la fonction du poète et de la poésie ?

  • Le poète ressemble-t-il aux autres hommes ou s'en distingue-t-il ? Comment se représente-t-il ? À qui/quoi se compare-t-il ? S'il est différent, en quoi l'est-il ?
  • La poésie a-t-elle une fonction lyrique, politique, sociale, esthétique ? 
    Par exemple : chez Rimbaud, la poésie se fait politique lorsqu'elle aborde le thème de la guerre, que cela soit de manière explicite comme dans « Le Mal » ou de manière implicite comme dans « Le Dormeur du val ».

4. Pour aller plus loin dans votre analyse du texte, vous pouvez vous demander :

  • S'agit-il d'un poème versifié ou en prose ? 
  • Quelle est la forme poétique adoptée ? : sonnet, ode, ballade, rondeau, fable, poème en prose, en vers libres, versets, etc.
  • Combien de strophes sont utilisées ?
  • Combien de vers par strophe avons-nous ? : tercet, quatrain, dizain, etc.
  • Combien de syllabes par vers sont présentes ? : décasyllabe, alexandrin, etc.
  • Les vers ont-ils tous le même mètre ?
  • Quel est le système de rimes ? : croisées, embrassées, suivies.

Une fois ces caractéristiques du texte poétique établies, on peut éventuellement analyser :

  • Les sonorités : allitérations, assonances, etc.
    Par exemple : Dans « Le Mal » de Rimbaud, le jeu de mots « sou lié/soulier » (le « soulier » étant un mot rimbaldien déjà rencontré dans « Ma bohème ») ramène les espoirs des mères qui viennent prier pour leurs fils au combat à des considérations bassement matérielles et triviales mais les seules susceptibles d’émouvoir l’Église et Dieu.
  • Les rythmes : anaphore, enjambement, rejet, contre-rejet, etc.
  • Les images : réseaux lexicaux, comparaisons, métaphores, etc.
  • Pensez également à commenter le titre, s’il y en a un.
    Par exemple : si la guerre franco-prussienne de 1870 est nécessairement visée par le poème « Le Mal », le titre à valeur généralisante permet de comprendre que Rimbaud étend sa réflexion, notamment aux abus de l’Église qu’il dénonce ici avec beaucoup d’ironie mais également à tout type de guerre.


Pour chacune de ces questions, il convient de s’interroger également sur l’intérêt des choix opérés par la poétesse ou le poète.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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